Les interviews Planète Rugby

Parcours d'un joueur du rugby professionnel vers le rugby amateur

Cyril COURIOL

Stade Montluçonnais (division fédérale 2).

Deuxième ligne et capitaine

Propos recueillis par e-mail par Philippe Morin le 13 décembre 2002.
(Toutes photos par
Philippe Morin - Planète Rugby)


 

Cyril COURIOL

Né le 29 décembre 1976, 1.92m, 115 kg.

Deuxième ligne et capitaine de l'équipe Première du Stade Montluçonnais (Division fédérale 2).


Ancien joueur de l'A.S.Montferrandaise et de l'Aviron Bayonnais (pro D2)

Pour plus d'informations sur Cyril Couriol, consultez
son site perso,
par Vincent Roche, du
XV des Gaulois


 
Planète Rugby: Vous avez joué plusieurs saisons en division professionnelle et vous jouez désormais en division amateur. Pendant combien de temps avez vous joué en équipe professionnelle ? Quel âge aviez-vous quand vous avez commencé à être pro ?

Cyril COURIOL: J'ai quitté l' A S Montferrand où j'ai joué de Minimes à Espoir et, après une transition de 6 mois à Montluçon, mon club actuel, je suis descendu à Bayonne. J'avais 22 ans.
J'ai commencé à l'Aviron Bayonnais en équipe réserve, comme il se doit, et quelques mois plus tard, ma chance m'a été donnée en équipe première. J'ai joué à l'Aviron Bayonnais pendant 3 ans.

Planète Rugby: Qu'est-ce qui vous a décidé à sauter le pas vers le professionnalisme ?

Cyril COURIOL: Je suis tout d'abord descendu à Bayonne pour finir mes études, j'ai fait mon DESS à la fac de Bayonne, tout en jouant à titre 100% amateur à l'Aviron Bayonnais.
J'ai eû la chance de pouvoir jouer assez vite en équipe première, et par la suite, en fin de saison, j'ai décidé de rester à Bayonne pour jouer encore à ce niveau. C'est, en fait, un défi, car j'ai longtemps joué à l'ASM (10 ans) et je n'ai jamais eû la chance de porter le maillot de l'équipe première. Etre sollicité en fin de saison et se faire féliciter pour la saison passée, s'entendre dire que le club est content de toi, c'est très gratifiant.
Le fait de côtoyer le haut niveau est, je pense, le rêve de tous les joueurs de rugby français.

Cyril COURIOL à l'Aviron Bayonnais, le 6 janvier 2001, pendant le match RacingCF/Aviron Bayonnais (Paris, stade Charlety). Victoire de Bayonne 23-22.



Planète Rugby: Etiez-vous 100% professionnel, ou étiez-vous pluriactif ? Si oui, quel était votre emploi, et votre emploi vous permettait-il d'avoir des horaires aménagés pour l'entraînement ?

Cyril COURIOL: Je n'étais pas 100% pro, j'avais un boulot de commercial dans une imprimerie. C'étais purement et simplement une occupation car de formation, j'ai un DESS en biologie, environnement et gestion des écosystèmes aquatiques.
J'ai toujours insisté auprès du club sur le fait que, pendant 5 ans après le Bac, je me suis efforcé de faire des études, et que je ne voulais pas faire UNIQUEMENT du rugby: Je pense qu'il est important de garder un contact avec la vie professionnelle. Mon emploi de commercial me permettant d'aménager plutôt bien mes horaires pour les entraînement entre 12 h et 14 h , les séances de musculation et les entraînements qui débutaient aux alentours de 18 h/18 h 30.

Planète Rugby: Vous étiez pluriactif. Etait-ce une condition sine qua non, ou auriez vous accepté d'être 100% pro ? Pourquoi ?

Cyril COURIOL: Je ne voulais pas faire uniquement du rugby, d'une part pour ne pas perdre complètement le contact avec la vie professionnelle, et d'autre part car il m'est arrivé une grosse mésaventure lors de ma dernière année junior: une rupture des ligaments croisés du genou... blessure qui n'a pas été diagnostiquée suffisamment vite, et qui m'a fait perdre une saison entière.
Sans le soutien inconditionnel de l'un de mes entraîneurs, je n'aurais jamais pu intégré le groupe espoir à l'ASM (qui était, en quelque sorte, là aussi un groupe quasi-professionnel).

Il y en a, et je pense qu'il y aura de plus en plus de blessures, car les choc et les contacts sont de plus en plus violents, du fait du poids des joueurs qui augmente avec le travail de musculation.
Je me suis toujours dit que si j'étais victime une grosse blessure et que je ne pouvais plus jouer au rugby, que serait ma vie sans un autre emploi ??? Mais ce raisonnement n'engage que moi !!!

Planète Rugby: Qu'est-ce que vous gardez comme meilleurs souvenirs de cette période :

Cyril COURIOL: Le meilleur souvenir de cette période est notre demi-finale à Toulon, contre Toulon, il y a deux ans (ndlr: demi-finale du championnat de division 2 professionnelle entre le RC Toulonnais et L'Aviron Bayonnais). Nous avions un groupe formidable, une ambiance extraordinaire, le tout associé à un rugby de très bon niveau: Le rêve pour n'importe quel joueur.
Malheureusement, ce match a été une défaite et notre belle aventure s'est terminé en demi finale. Dans les équipes de haut niveau, la qualité de la préparation, les entraînements qui nous poussent toujours à aller plus loin dans nos limites, apportent un esprit de corps très important et qui me laisse de très, très bons souvenirs.

Planète Rugby: Et vos pires souvenirs ?

Cyril COURIOL: Cela s'est produit, l'an dernier, quand l'Aviron a traversé une grosse crise suite à une série de défaites, et que nous nous sommes séparé de nos entraîneurs, qui étaient en place depuis la saison d'avant (ceux avec qui nous avons fait la demi-finale, Francis LETA et Pierre NOVION). Le club tout entier était en ébullition. Certains joueurs avaient été consultés (et d'autres non) sur les mesures à prendre.
Nous avions des bruits de couloirs qui nous annonçaient des départs , des arrivées, en bref une très longue période de doute (qui n'a, en réalité, duré que 15 jours) mais une pression très importante...
Ensuite l'arrivée de Pierre BOUISSET, qui est un homme très exigeant et avec qui, à force de travail, nous avons réussi à remonter la pente. Ces départs et cette arrivée, ont créé un électrochoc pour l'ensemble des joueurs qui nous a permis de repartir du bon pied.

Planète Rugby: Faisiez-vous partie de Provale, le syndicat des joueurs pros ? Estimez-vous que les droits du joueur pro a progressé entre votre arrivée dans le monde pro, et votre départ ? Pensez-vous que dans ce domaine, la contribution d'un syndicat de joueurs a été déterminant ?

Cyril COURIOL: Je ne faisais pas partie de PROVALE, car ils ne se sont approchés de la PRO D2 qu'il y a peu de temps. Le syndicat des joueurs à actuellement assez peu de pouvoir, mais il est important que les joueurs pro aient un soutien extérieur à leur club (et autre que le agent), pour les aider en cas de conflit avec le club. Les droits des joueurs pro sont définis dans leurs contrats avec les clubs, le syndicat n'a pas réellement de pouvoir.

Planète Rugby: A votre avis, quelles devraient être les axes d'évolution du statut du joueur pro : (ex : Meilleur suivi médical, accompagnement social, etc..).

Cyril COURIOL: Du point de vue du suivi médical, les pro sont très bien encadrés. Le grand axe sur lequel les clubs doivent évoluer, c’est la réinsertion des joueurs après leur vie sportive. C’est pour un grand nombre de joueurs un axe important de préoccupation, mais pas pour les clubs.

Planète Rugby: Qu'est-ce qui vous a amené à quitter le rugby pro ?

Cyril COURIOL: J’ai décidé de quitter le rugby pro, car je pense que je devais assurer un avenir pour mon fils, Imanol, qui est né très récemment. J’ai donc demandé à mon club (ndlr: l'Aviron Bayonnais) de m’aider à trouver un travail en rapport avec ma formation. Malheureusement, ils n’ont pas réussi, la seule solution qui apparaîssait alors pour pouvoir lier le rugby d’un niveau correct et le travail, était de partir pour un club amateur.
Ayant déjà joué au stade Montluçonnais, et au vu des ambitions du club, j’ai décidé de venir en fédérale 2. Mais le club à nettement la volonté et les moyens de monter en Fédérale 1, qui est "l’élite amateur". Mon envie du haut niveau est toujours intacte, mais je pense que l’on est encore meilleur sur le terrain quand on n’a pas à se poser de questions sur son avenir professionnel (du moins le moins possible).

Planète Rugby: Pourquoi avez-vous signé dans un club amateur de niveau inférieur, et ne pas avoir carrément refermé la page Rugby ?

Cyril COURIOL: Comme je le dis dans la question précédente, l’envie de jouer est toujours intacte, et c’est un très beau challenge que m’a proposé le stade montluçonnais.

Cyril COURIOL au Stade Montluçonnais, le 17 novembre 2002, pendant le match Stade Montluçonnais- CSM Clamart.
Victoire de Montluçon 16 à 9. Montluçon est, à ce jour, premier de sa poule.



Planète Rugby: En tant que joueur venant d'un club pro : Avez-vous le sentiment que vous vous devez d'être exemplaire vis à vis de vos nouveaux camarades, ou qu'on vous présente à eux comme tel ?

Cyril COURIOL: Evidemment. J’ai la chance d'être capitaine de cette équipe. Le président, l’entraîneur et les joueurs ont une grande confiance en moi et je ne peut pas les décevoir. J’essaie autant que possible de conseiller le club sur les évolutions qu’ils doivent apporter aux infrastructures, pour pouvoir passer à la vitesse supérieure.
D’autre part, j’échange énormément avec Jean Jacques BOS, notre entraîneur, pour tout ce qui concerne les entraînements, la récupération… En bref, j’essaie de partager mon expérience du haut niveau avec mes nouveaux partenaires.

Cyril COURIOL dans son rôle de capitaine du Stade Montluçonnais, donne ses directives à ses camarades. 17/11/2002, match Stade Montluçonnais - CSM Clamart.


Planète Rugby: Pensez-vous que votre expérience peut apporter à votre nouveau club, ou les contextes sont-ils trop différents ? Dans quel domaine pensez-vous apporter quelquechose ?

Cyril COURIOL: Certes, le contexte n’a rien à voir, mais il semble que tous les clubs qui veulent aller vers le niveau supérieur doivent s’inspirer des clubs pros, pour beaucoup :
- La vidéo qui va permettre d’analyser des séquences de jeu qui posent problème, ou de voir de plus prés les défauts et les atouts de son équipe ;
- Le suivi médical pour aider les joueurs à récupérer et à optimiser leurs performances.
-La préparation des match, la gestion des périodes d’effort et de récupération, l’intégration de la musculation dans les semaines d’entraînement et de travail, le contact entre les partenaires et les joueurs…

Mais je pense qu’avant tout, ce que je peux apporter sur le terrain est, que ce soit par mes performances qui ne peuvent pas être toujours parfaites, mais surtout par la confiance et l’assurance que je peut apporter à mes partenaires...et cela, que je fasse de bonnes ou de mauvaises prestations.
J’essaie toujours de faire de mon mieux et je pense que quand je n’aurai plus envie de donner le meilleur de moi-même, il sera alors l’heure de raccrocher les crampons.

Planète Rugby: Avez-vous le sentiment qu'on attend plus de vous que des autres joueurs ?

Cyril COURIOL: Bien sur. Je pense que s'ils (ndlr: les dirigeants du Stade Montluçonnais) ont choisi de me recruter et, en plus, de me nommer capitaine, ils sont en droit d’attendre de moi que je montre le chemin aux autres joueurs et que je donne toujours le meilleur de moi même. En bref, il faut toujours être au top

Planète Rugby: Qu'est-ce qui vous a principalement paru différent : (Ex : entraînements moins soutenus, suivi médical moins adéquat, structures moins lourdes, joueur moins materné, aspect plus festif).

Cyril COURIOL: Tous les éléments que tu cites me sont apparus et, pendant les premières semaines, j’ai eû beaucoup de mal à trouver mes marques dans ce nouvel environnement. Une fois de plus, le club a montré sa volonté de grandir et m’a beaucoup questionné sur les aménagements à faire pour tendre vers le haut niveau (avec des possibilités différentes). En effet les clubs amateurs doivent prendre en compte de nombreux aspects de la vie des joueurs, qui ne sont pas tous conscients de l’investissement personnel que demande le haut niveau.

Planète Rugby: Avez vous conservé un rythme d'entraînement soutenu ?

Cyril COURIOL: Comme je te l’ai dit ci-dessus, j’ai eû un peu de mal à trouver mes marques les premiers temps, mais j’ai gardé de bonnes habitudes, notamment au niveau de l’alimentation et je suis en train de reprendre la musculation, ce qui me fait bien plaisir. Certains joueurs ont eux aussi intégré 2 séances d’entraînement supplémentaires dans la semaine.

Planète Rugby: Vous intéressez-vous toujours au parcours de votre ancienne équipe ?

Cyril COURIOL: Je suis toujours de très prés l’Aviron Bayonnais. Et si je ne suis pas au courant d’un de leur résultats, je sais que mes coéquipiers du stade montluçonnais, eux, sont au courant !! En fait, il y a maintenant de nouveaux supporters Bayonnais en Auvergne.

Planète Rugby: Allez-vous voir ses matchs ?

Cyril COURIOL: Pas souvent, vu la distance !!!. Mais je suis quand même allé les voir pour leur match contre Aurillac, et j’espère pouvoir aller les voir jouer quand ils viendront vers chez moi (Brive ou peut-être même Lyon).

Planète Rugby: Avez vous gardé des contacts avec d'anciens camarades ? Les voyez-vous de temps en temps ?

Cyril COURIOL: Je suis assez régulièrement au téléphone avec eux, ainsi qu’avec mon ancien entraîneur, mais malheureusement je n’ai pas encore eù l’occasion de les revoir.

Planète Rugby: Avez-vous quelque-chose à ajouter ?

Cyril COURIOL: Merci de m’avoir donné la parole et à bientôt. AUPA BAIONA! (ndlr: Traduction du Basque: Allez Bayonne !).

Propos recueillis par e-mail par Philippe Morin , le 13 décembre 2002.
Planète Rugby 2002


 

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