Les interviews Planète Rugby

"Un championnat intêressant et attrayant".

Francis LETA, (Aviron Bayonnais)

6 Janvier 2001, 12h00, Gentilly (92)


Le Samedi 6 janvier 2001, quelques heures avant la rencontre Racing CF-Bayonne, Monsieur Francis LETA, entraineur de l'Aviron Bayonnais, accordait une interview exclusive à Planête Rugby.


Francis LETA, en bref:

Né le 4 décembre 1947 à Bayonne.
Ouvreur à l'Aviron jusqu'en 78, entraineur à partir de 80 (finaliste en 82).
Il conduit Pau en finale du "Du Manoir" en 95, et en demi-finale du championnat 96. Victoire en Coupe de France 97, et demi-finale en 98. L'an dernier, entraineur du CA Brive-Corrèze en compagnie de Serge Laïrle.


  


La perception de la Division 2 Professionnelle, pour un homme qui était en "Elite 1" l'an dernier:


"Ce que je ressens, c'est que la deuxième division, qui était "Elite 2" l'année dernière, est appelée aujourd'hui, par le biais de la ligue, "Deuxième division professionnelle". L'an dernier, cette division ne vivait pas sous la responsabilité de la ligue professionnelle de Rugby.
Ce qui est interessant, aujourd'hui, c'est que l'on ressent, en Division 2, un resserrement au niveau des équipes, du fait de cette mise en place alléchante pour tous les clubs.

Il y a eu, incontestablement, une amélioration au niveau des structures générales des clubs (Structures sportives, médicales, recrutement plus affiné), ce qui fait qu'aujourd'hui, la 2e Div. Pro comprend douze équipes de bonne valeur. C'est donc un championnat que je juge interessant. Une poule de 12, avec des matches aller-retour, les quatre premiers qualifiés directement pour les demi-finales, avec l'avantage, au premier et au second de recevoir, c'est quelquechose qui se tient, du point de vue sportif, et qui parait interessant.

L'an dernier, la Pro-B était beaucoup plus diluée, puisqu'il y avait une vingtaine de clubs (deux poules de dix), et le championnat était moins clair, et de moins bonne qualité."

Le resserrement du niveau entre les deux divisions:

"La deuxième division pro, avalisée par la ligue, est donc représentative d'un championnat qui me parait interessant et attrayant.
Le niveau de jeu y est moindre, dans la mesure ou il y a, en première division, 35 joueurs multipliés par 21 clubs, soit au total environ 750 joueurs qui sont déjà là. Ce qui fait qu'en Division 2, vous avez des joueurs qui n'ont pas la potientialité, physiquement, techniquement et tactiquement, qui est celle des joueurs de première division.

Cela étant, le jeu reste interessant, dés l'instant où la densité physique est moindre, on trouve des rideaux defensifs moins rigides, donc il y a un jeu qui parait un peu plus attrayant, avec des intervalles moins fermés qu'en première division.

A titre indicatif, notre dernier match Bayonne-Tyrosse, qui s'est joué devant cinq à six mille personnes (!!!) a amené un engouement au niveau du jeu, puisqu'il y a eû 28 minutes et 30 secondes de jeu réel. Donc, on se rapprochait des matches de haut niveau.
De toute façon, cette division 2 pro va être amenée à évoluer, dans la mesure où je pense qu'il y a beaucoup de joueurs de la division 1 qui vont se lasser de faire banquette, et je crois que ces joueurs vont venir trés vite intégrer le plaisir du jeu, qui va l'emporter, à un certain moment, sur des avantages financiers supérieurs...Le Rugby reste un jeu avant tout, et je pense qu'en D2, on devrait retrouver certains joueurs issus de la D1, qui ne pourront qu'apporter leur expérience. La deuxième division professionnelle ne devrait que s'éméliorer."

L'Aviron Bayonnais: Renforcement des structures.

"Au niveau de l'Aviron Bayonnais, ma venue a été engagée par le discours des dirigeants, et j'ai senti qu'au niveau du club, mon retour pouvait s'inscrire dans une dynamique sportive qui existait depuis l'an dernier.

Ce qui a guidé mon choix vers l'AB, c'est le souci, du coté des dirigeants, de bien avancer, de bien structurer, et j'ai trouvé des structures en pleine évolution, y compris en ce qui concerne le partenariat.

Aujourd'hui, l'Aviron a quelques partenaires nationaux, par l'intermédiaire de Monsieur Cacaud, qui est responsable de Giraudy France. Il y a aussi Toys & 'Rus, et nous sommes épaulés par "Grand Adour", "Cérébos" et la ville de Bayonne. J'ai donc senti qu'il y avait une dynamique de partenariat qui était importante.

Je crois que là ou nous étions trés en retard, c'est au niveau des structures sportives, donc, je me suis attaché, de part l'expérience que je venais de vivre pendant toute ma carrière d'entraineur, (et surtout depuis les cinq dernieres années ou le professionnalisme a commencé à poindre), à apporter l'expérience que j'avais vécu ailleurs.

Quant aux structures, De quoi s'agit-il ?
Des locaux d'aménagement pour entreposer le matériel, du matériel de qualité, un local de soin pour le kiné, et les nouveaux aménagements à "La Floride". (Ndlr: "La Floride": Terrain d'entrainement de L'Aviron Bayonnais, désormais doté de batiments neufs, au bord de la Nive).

La présence de kiné, systématiquement, à chaque entrainement, la mise en place d'une salle vidéo et de bureaux, toujours dans le cadre sportif de la Floride, puisqu'il s'agit là d'une plaine de jeux avec un pôle vestiaires, et, à coté, un pôle gymnase, bureaux des entraineurs, salle de musculation, ce qui fait un complexe professionnel qui ressemble à quelquechose.

Ce qui est important, pour moi, c'est d'apporter au club, du fait de mon expérience, la mise en place d'un cadre de fonctionnement. Une fois que ce cadre est mis en place, on pouvait essayer d'évoluer la-dedans. On arrive aujourd'hui à des entrainements quotidiens, avec des récupérations en piscine, dans la même structure, ce qui fait qu'on s'y retrouve parfaitement.

La Floride étant, en plus, un cadre trés agréable, au bord de la Nive, avec un chemin de halage de dix kilometres qui permet de faire des footings, tout cela compose des structures qui me paraissent importantes.

Il y a également eû un léger aménagement des vieilles tribunes du Stade "Jean Dauger", et la mise en place d'un centre VIP ou les partenaires sont recus dans des repas d'avant match, et dans les réceptions d'aprés-match."

Le début de saison de L'Aviron:

"On a eu un demarrage un peu tardif, lié, comme Montferrand, à des évolutions de structures: Arrivée de nouveaux entraineurs, l'arrivée de nouveaux joueurs, l'approche différente de l'entrainement, un peu plus intensifs, tout cela nécéssite une "bonne digestion".

On a eu deux mois un peu délicats, avec un calendrier qui était trés défavorable, pour une équipe en phase d'apprentissage. Pour les six premiers matches, on a eu quatre matches à l'exterieurs pour deux matches à domicile, et pour le dernier match à domicile, on recevait Toulon !

Puis, en septième match, nous avons reçu Montauban. Nous étions donc imparfaitement prêts, techniquement, sur ce début de saison pour pouvoir "déloger les locaux", et enchainer les matches à l'extérieur. Ca s'est joué sur "pas grand-chose", chaque fois par manque de discipline, de maitrise, de reussite. Maitrise technique, surtout.

Il y a eû ce match, fin octobre, contre Montauban, où il y a eu une sorte de petit déclic
, Parce que Montauban arrivait auréolé d'une invincibilité, et Montauban, c'était aussi une équipe qui dominait le championnat. Gagner 46 à 16 à "St Léon" (Ndlr: Ancien nom du Stade Jean Dauger)., cela a sans doute aussi marqué les esprits, et ça nous a mis en confiance.

Derrière, nous avons réussi nos matches de "Coupe de la ligue": Le premier a été un match un peu galvaudé, car il était important de mettre les joueurs de repos, aprés sept journées consécutives. Il y a eu un bon match à Biarritz, par contre, notre "ennemi héréditaire" (Rires), et un bon match contre Auch à "Jean Dauger" (Ndlr: victoire 25-12). Là, les garçons ont pris conscience de leurs possibilités, et derrière, il y a eû une série de victoires qui est arrivée, avec des matches à l'extérieur, avec des équipes qui, c'est certain, étaient des équipes de "bas de tableau", mais il y a eû victoire quand-même. Et derby largement mené contre Tyrosse."

Les perspectives pour le reste de la saison:

"Aujourd'hui, le problême que rencontre L'Aviron se situe au niveau de la concentration: les garçons ont besoin de faire beaucoup de progrés en ce sens. Autre nécéssité de progrés: La constance dans la performance: Il ne s'agit plus de faire un bon match contre Tyrosse, puis un match un peu juste contre Montpellier. Autre progrés possible, la régularité des comportements.

Nous rentrons dans une deuxième phase, aujourd'hui contre le Racing CF, un match hyper-important qui nous attend: Il y a beaucoup d'équipes qui sont venues gagner en début de saison, et ce sont nos concurrents immédiats: Il ne faut pas perdre de points par rapport à eux. Le Racing, lui, est en pleine évolution, il essaie de s'en sortir, parce que c'est un club prestigieux, plus prestigieux que l'Aviron Bayonnais, et c'est une équipe qui voudrait éviter de descendre.

On s'attend, aujourd'hui, à un match difficile (ndlr: match finalement gagné difficilement par Bayonne 23 à 22), car c'est un match de reprise, aprés la période festive, et on connait le coté festif, chez nous, à Bayonne (Rires).

On a aussi notre deuxième ligne absente (Christian Priso et Christophe Sottil), ainsi que notre troisème ligne centre, Yannick Lamour, bon pourvoyeur de ballons, qui est blessé, donc, on va voir comment cela va se passer. Mais on aimerait bien finir cette série, parce qu'aprés, on reçoit Aubenas et Tarbes, et puis, on ira faire un "match d'hommes" à Mayol."

Le Rugby Espagnol (ndlr:l'Aviron compte quelques internationaux Espagnols):

"Le Rugby Espagnol est en bonne évolution, comme le sport, en général, dans ce pays, parce qu'en Espagne, autour du sport, il y a une vie. Il y a une culture sportive que l'on ressent fortement (comme par exemple à travers quelques courses pédestres comme Béhobie-St Sébastien, où vous avez le passage de certaines routes qui équivalent au passage de certains cols du Tour de France). Il y a un engouement.

Le Rugby espagnol vaut surtout, actuellement, par une structure universitaire. On trouve maintenant du Rugby dans les grandes Villes, comme Séville, Madrid, Barcelone.
Evidemment, coté Pays Basque, ce n'est pas mal non plus, avec de bonnes équipes.

Cela étant, au niveau des résultats, le Rugby Espagnol est un petit peu en baisse, par rapport à ce qu'il était il y a une quinzaine d'années. C'est en pleine structuration. Nous avons aujourd'hui un joueur qui est absent, Monsieur Oscar Astarloa (Ndlr: 2e ligne de l'Equipe d'Espagne), parce qu'il prépare la coupe du Monde de Rugby à 7. C'est toujours un peu le problème, avec les internationaux.

Le Rugby Espagnol est une affaire à suivre, ca peut remonter, mais l'impression que j'en ai, c'est que les résultats sont tout de même moins bons que ce qu'ils étaient il y a quelques années. Il y avait alors beaucoup plus de joueurs. C'est un peu moins vrai de nos jours."

Brive:

"L'équipe de Brive a vécu un tournant un petit peu difficile, dans la mesure où il y a eû beaucoup de départs pendant l'intersaison (22 joueurs sur 34 sont partis): Parmi les départs, il y a les departs volontaires, et les départs "moins volontaires", ce qui est difficile, pour le club, à gérer.

Aujourd'hui, le Club Briviste se trouve en pleine reconstruction. Depuis déjà deux ans, il y avait eû un effort de reconstruction, parce que, quand j'y suis arrivé, il y a deux ans, il y avait déjà beaucoup de joueurs qui étaient partis (Penaud, Viars, etc...). La première année, nous n'avons pas eû les résultats escomptés, parce que nous avons eû beaucoup de blessés, notamment derrière, comme Venditti ou Matson. En fin de saison, des garçons comme Magne et Carbonneau, qui étaient un peu les "accélerateurs" de l'équipe, nous ont completement manqué.

Quant à la saison dernière, c'est pour moi, la saison la plus tronquée, la plus injuste, la moins équitable que j'ai vécu, en tant qu'entraineur. Le CAB a été l'une des équipes les plus défavorisées, parce qu'on a voulu faire démarrer un championnat en pleine Coupe du Monde (parce que cela arrangeait certains clubs).

Nous avions donc huit joueurs manquants. Ils sont revenus, au mois de Novembre, avec le besoin bien compréhensible de récupérer. Nous avons toujours couru aprés les points, pendant cette saison. Malgré cela, nous jouons une finale de Coupe de France que nous n'avons pas réussi à gagner à Biarritz, alors que la première mi-temps, on avait été vraiment dominateurs, et que le score, à la mi-temps, ne reflétait pas la domination briviste du début. C'est en première mi-temps que nous perdons le match.

Au mois de Juin, au moment des phases cruciales, nous avons encore des joueurs qui sont partis avec des équipes étrangères. Nous avons alors perdu toute la première ligne (Smith et Brotherstone), sans oublier Townsend et Arbizu. De plus Venditti était blessé. Une situation ingérable.

Aujourd'hui, Brive se retrouve en situation de reconstruction, avec, de nouveau, l'intégration de joueurs étrangers, ce qui n'est pas une chose facile: problèmes de langue, problemes de vie...
Je souhaite aux Brivistes de réussir le mieux possible
dans leur entreprise. Ils s'étaient mis en situation délicate en perdant lourdement contre Biarritz, mais le fait (une surprise, d'ailleurs) d'avoir été gagner à Narbonne, cela leur a donné un regain d'espoir. Ils vont avoir des matches difficiles à gerer, à domicile, contre Montferrand en derby, contre Toulouse, et aussi contre une équipe comme Aurillac, qui pourrait peut-être se refaire.

Brive est une équipe en pleine phase de reconstruction. Des anciens de la Coupe d'Europe (Ndlr:Brive fût Champion d'Europe 1996), il ne reste plus que le capitaine, Richard Crespy et "Coco" Eric Alégret, actuellement blessé."

Pau:

"Il y a eû, comme en 95, lorsque j'étais arrivé, avec Jean-Louis Luneau (ndlr: actuel entraineur de l'Us Dax, et ancien joueur de l'Aviron), beaucoup d'ambition de la part des dirigeants. une osmose, une dynamique de victoire s'était créé, dans le club, ce qui fait que les trois années que j'y ai passé étaient des années fastes, avec de bons résultats. J'en retiens la première demi-finale jouée contre Brive à Toulouse d'une part, et d'autre part le Stade Charléty, que je vais retrouver aujourd'hui (mais moins ennéigé que quand nous y avons joué la finale de la coupe de France contre Brive).

La deuxième année fût la plus réussie, puisqu'on avait gagné la finale de la Coupe de France. La troisième année était bien, même si nous avons ressenti quelques fluctuations du fait de la présence massive d'internationaux (sept internationaux étaient partis à l'inter-saison).

Le meilleur souvenir est d'avoir participé à une demi-finale de coupe d'Europe face à Bath: Une vraie coupe d'Europe ! Parce que, pour moi, il y a les vraies et les fausses...Les fausses, c'est quand il n'y a pas les Anglais, parce que se sont tout de même eux qui ont les meilleures équipes.

Sur la dynamique de l'an dernier, la Section Paloise a voulu batir de nouveau, parce que, pour tous les clubs de division 1, cette année s'annoncait comme celle de "tous les dangers". Des choix ont été faits...Est-ce que ce sont de bons ou de mauvais choix ?

J'ai l'impression que le cocon familial qui existait a été un peu brisé, et on est peut-être passé un peu durement dans le professionnalisme, en se passant de certains joueurs qui étaient un peu les "piliers" au niveau de la Section.

Aujourd'hui, de nouveaux joueurs arrivent, et ça a du mal à demarrer, quoi...La section se trouve aujourd'hui dans une situation délicate, et, aujourd'hui, ils jouent contre le Stade français, ce qu'il s'annonce comme un match difficile, mais qu'ils peuvent gagner, s'ils ont vraiment envie, car ils en ont les moyens (ndlr: finalement, la Section à gagné, voir notre page résultats)."

Biarritz:

"Biarritz vit actuellement une trés bonne période, liée au fait qu'il y a eû une phase de reconstruction qui s'est faite depuis plusieurs années, et qu'aujourd'hui, par petites étapes, Biarritz a un effectif, et surtout un potentiel qui me parait énorme: Je crois, 35 contrats professionnels en ligue et dix contrats d'association. C'est donc une équipe qui n'a pas été "surprise", par les matches en semaine. Certains n'étaient pas au courant, mais certains l'étaient (Rires). Biarritz se retrouve aujourd'hui armé pour faire un bon championnat, et pour pouvoir être à même de disputer des rencontres tous les trois ou quatre jours.

Ce qui est important, dans une équipe, (et que je ne ressent pas, à Brive, c'est dommage et c'est là que ce n'est pas bon), c'est que, pour avoir une phase ascendante, il faut que l'ossature reste. C'est le cas à Biarritz. Aprés, il y a des apports personnels, des appoints de joueurs chevronnés comme les frères Lievremont, et des garçons talentueux, comme le centre Australien Isaac. Tout ça n'apporte que du "Plus", un peu d'émulation, mais le gros de la troupe étant restée, les nouveaux arrivent à s'intégrer parfaitement, sur une base solide."


Propos recueillis par
Philippe Morin

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